Sleep

  « Tu es libre demain après-midi ? Me demande Luke au bout de quelques minutes.


- Non, je travaille.


- Tu travailles ?


- Ça a l'air de te surprendre.


- Ne le prends pas mal, je ne pensais pas que tu travaillais. Enfin, je veux dire, je ne pensais pas que tu avais un job. Tu sais, genre, avoir un patron, avoir un salaire, faire des heures supplémentaires et tout le reste. Je ne veux pas être comme la plupart des gens, mais croyais que tu passais tes journées à traîner seul dans les rues.


- Tu te fous de moi ? Crachais-je, soudainement irrité. »


Je me redresse, me décollant du torse de Luke. Étrangement j'ai envie de me replonger dans la chaleur de ses bras. Je voudrais me rallonger et le blottir contre lui afin de profiter de la température de son corps. J'aimerais sentir son souffle sur ma nuque. J'aimerais simplement me recoller contre lui.


Mais je suis trop agité pour le faire.


  « Tu pensais que j'étais un gosse de riche ? Tu pensais que je ne connaissais rien à la vie ? Je travaille, moi


- Tu me penses être riche ? S'énerve à son tour Luke. »


Il se redresse à mes côtés, me toisant. Son regard auparavant rempli de douceur est maintenant plein de rage. Et cette rage m'est destinée. Je s'en sortir une sensation étrange dans ma poitrine, comme si mon cœur se brisait. Encore. Sauf que cette fois-ci, personne ne m'a insulté. Je suis simplement horrifié d'avoir pu mettre Luke en colère, lui qui est si doux.


  « Pas du tout. Mais regarde tout ça Luke, regarde autour de toi ! Ouvres les yeux et vois. Vois ce que je n'ai pas. Ton quartier est magnifique, tout est propre. Ta maison est superbe, tes parents sont sûrement excréments gentils et généreux, et toi, tu es parfait. 


- C'est vraiment ce que tu crois ?


- Regarde moi Luke. Regarde moi s'il te plaît. Je suis horrible. Je suis ignoble. De loin ma vie est une grosse masse sombre et difforme. Quand on l'approche, on voit la vérité : ma vie est un cauchemar. Un cauchemar, Luke. Je fais le poids d'une fillette de dix ans, je suis aussi frêle qu'un nouveau-né. J'ai besoin de mon salaire. J'en ai besoin pour survivre. Parce que oui, sans lui, je serais peut-être dans la rue, à mendier. Sans lui je ne serais pas sûr d'avoir l'équilibre de ma famille. Dis-je en ignorant sa question. »


À la fin de mon monologue, je fonds en larmes. 


J'en ai marre. J'en ai marre de tout. Je suis fatigué de cette situation désespérante. Je n'en ai jamais parlé aussi facilement avant. Ni à mes parents, ni même à Ashton. J'ai toujours tout encaissé, sans parler. J'ai toujours aidé les autres, mais personne n'a jamais m'aider assez en retour. 


Sans que je ne comprenne comment, Luke est redevenu calme. Ses yeux sont posés sur moi, une nouvelle fois remplie d'amour. Pas de compassion ni de pitié. Seulement de l'amour. Il me sourit doucement, me prenant dans ses bras débordant de chaleur. 


  « Oh, Mikey.. Je suis désolé de m'être énervé. Je t'ai jugé sans savoir tout ça et j'en suis profondément désolé. J'aurais dû me douter que ton travail t'était essentiel. À la place de ça, j'ai préféré faire mon gros con à te demander de te libérer pour moi, quitte à perdre ton salaire. 


- Je.. Non, c'est moi qui suis désolé.. Je voulais pas que tu penses que je te prends pour un riche.. Je suis idiot.


- Non, rien n'est de ta faute. Tu es fatigué. Ça se voit, je le sens. Il faut que tu te reposes, c'est normal que tu craques. C'est tout à fait normal. Et je te remercie que tu l'ai fait devant moi, parce que c'est un honneur que tu te sois confié à moi. Et c'est un honneur de pouvoir te réconforter.


- C'est un honneur d'être dans tes bras. Riais-je tout en pleurant. »


D'un point du vu extérieur, la scène doit être pitoyable. Un garçon avec des cheveux sales, un teint blafard ainsi qu'un sourire qui menace de se transformer en crise de larmes, dans les bras d'un blond au visage dévasté par les pleurs, bégayant qu'il est là comme s'il voulait le prouver à la Terre entière.


Je ris, trouvant cette scène plutôt mythique. Si quelqu'un arrivait, cette personne nous prendrait pour deux timbrés. 


Après s'être calmé, Luke se rallonge, me tenant toujours fermement contre lui. Je me blottis dans ses bras, entourant son cou des miens, déposant ma joue contre la sienne. Ne temps normal, cette proximité m'aurait gêné. Mais avec le blond, s'est différent. Tout est différent. 


Je ferme mes yeux, épuisé par tous ses sentiments. Les doigts de Luke s'amusent à jouer avec les mèches de cheveux, me faisant frissonner de bonheur. Sentant ma fatigue, il approche ses lèvres de mon oreille avant de murmurer :


  « Dors. Dors Mikey, je suis là. »

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