Girls Talk Boys

  « Table 7. »


Je sursaute à cause de la surprise que me procure la voix de Calum. Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il soit derrière moi. Je relève rapidement ma tête, ne comprenant pas. J'arrête de remplir la tasse de chocolat chaud pour interroger le brun du regard. Comme toujours ses yeux brillent d'une lueur d'excitation. Contrairement à moi, il est toujours de bonne humeur. Il me désigne un coin du bar d'un geste discret du menton. Curieux, je regarde dans la direction qu'il m'indique.


Je vois deux filles de mon âge, m'observant, accoudées à la table. Leurs lèvres bougent, signe qu'elles se parlent. Lorsqu'elles s'aperçoivent que je les regarde, elles me sourient avec douceur. Je rougis violemment avant de détourner le regard, gêné. Je reporte mon attention sur la tasse brûlante entre mes mains, préférant ignorer leurs yeux posés sur moi.


  « Alors, qu'est-ce que tu attends ?


- Pardon ? Demandais-je à Calum.


- Je te demande ce que tu attends pour aller leur parler.


- Je... Enfin...


- Mike, rassure-moi, est-ce que tu remarques quand même la façon dont elles t'observent depuis leur arrivée ? Elles te font les yeux doux depuis le début. »


J'écarquille mes yeux, tellement surpris par les mots de mon collège de travail que je manque de faire tomber le liquide brûlant que je tiens toujours entre mes mains. Préfèrent ne pas faire de bêtise, je le dépose sur le comptoir devant moi. Alors que Calum attend ma réponse, je continu d'être muet. Pourtant, je sens mon cœur louper un battement. Si je me souviens bien, ces adolescentes de mon âge sont là depuis bientôt une heure. Et d'après le brun, elles me regarderaient depuis tout ce temps.


  « Michael, je t'assure, tu devrais aller leur parler. Elles n'attendent que ça, je le vois à des kilomètres.


- Ce sont des clientes... Balbutiais-je pendant que mes joues prennent une couleur écrevisse.


- Ne te sers pas de ce genre de faux arguments pour ne pas foncer. Tente ta chance, je suis sûr qu'elles sont déjà à fond sur toi ! »


Je me mets à tousser violemment, ayant avalé ma salive de travers. Je me plie en deux pour éviter que toute la clientèle ne me voie m'étouffer. Calum se penche vers moi, tapotant mon épaule une fois ma toux calmée. Il me demande si je vais bien, question à laquelle je réponds affirmativement même si je sens ma gorge me brûler légèrement. Je me redresse et croise les regards inquiets de certains clients.


Ce bar est connu pour être fréquenté par de nombreux punks venu de tout Sydney. Et contrairement à ce que les gens extérieurs à ce mouvement pensent, les punks sont des gens adorables. À mes yeux ils forment une famille soudée jusqu'à l'os, toujours là les uns pour les autres, ne rejetant personne. Je sais parfaitement qu'ils comprennent ce que ressent quelqu'un d'isolé puisque dans la plupart des cas avant d'intégrer ce mouvement, ils étaient, eux aussi, considérés comme des 'rejets'. Le punk sauve les gens. Il les aide à se battre, à s'en sortir. Le punk est une bouée de secours. Bien que la plupart des gens à l'extérieur de ce bâtiment ne fassent pas la différence, je suis un punk rock, non un punk. Et non, ce n'est pas la même chose.


  « Michael est demandé par Calum Hood. Je répète, Michael est demandé par Calum Hood. »


Je me tourne vers mon collègue qui me regarde comme si j'allais l'échapper en courant. Je hausse mes épaules avant de dire calmement :


  « Cal, tu as beaucoup plus de chances que moi avec les filles. Toi, vas-y. Tu ne risques pas de te ridiculiser ou de gâcher la situation à tout moment. Et je préfère ne pas y aller.


- Ah, non ! Ça ne se passera pas comme ça Clifford ! Gronde-t-il en me désignant avec une cuillère. Je me fiche de ce que tu peux dire, tu as intérêt à aller voir ses filles qui n'ont d'yeux que pour toi. Ça leur ferait plaisir, crois-moi. Et si vraiment ça se passe mal, je te ferais un signe et tu reviendras en prétextant avoir quelque chose à régler. »


J'allais refuser catégoriquement lorsque mon regard se repose sur les deux concernées. Celle qui me semble la plus âgée à de longs cheveux chocolat dont les boucles encadrent un visage plutôt bronzé. La seconde n'a qu'une seule différence avec son amie : ses cheveux sont blonds. Je remarque qu'elles parlent toujours de moi, leurs regards dérivant parfois sur mon corps. Je ne peux m'empêcher de rougir en me sentant terriblement mal à l'aise.


  « Tu n'as rien à perdre Mike.


- Je sais...


- Alors fonce ! »


Sachant que le brun ne lâchera pas, je soupir. Je quitte avec lenteur l'arrière du comptoir, me retrouvant dans la salle bondée, comme toujours. Ici, chacun a un style différent. Cheveux bleus, rouge, verts, gris, blancs, orange, roses ou d'une autre couleur. Piercing ou non. Tatouage ou non. Voir plusieurs pour certains clients. Je souris légèrement, me sentent parfaitement à l'aise dans cet environnement où je me sens enfin à ma place.


Malheureusement ce sentiment s'envole bien vite lorsque je constate que Calum me rappelle à l'ordre en me fusillant du regard.

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