Chapitre 10

— Je peux te poser une question personnelle ?Allysa hoche la tête tout en continuant de préparer le bouquet qui va partir enlivraison. Nous sommes à trois jours de l'inauguration officielle et le travail s'accumule.

 — Alors ? insiste-t-elle en s'adossant au comptoir.

 — Tu n'es pas obligée d'y répondre si tu n'en as pas envie. 

— Je ne pourrai pas si tu ne me la poses pas.Bien vu. 

— Marshall et toi, vous faites des dons aux bonnes œuvres ?Elle paraît ne pas saisir.

 — Oui. Pourquoi ? 

— Juste par curiosité. Ce n'est pas du tout pour te juger. Je commençais à medemander comment je pourrais y participer moi aussi.

— Quel genre de bonne œuvre d'abord ? Nous, on en a plusieurs maintenant qu'on ade l'argent, mais ma préférée est celle à laquelle on a souscrit l'année dernière. Ils bâtissentdes écoles dans d'autres pays. On en a financé trois rien que l'année dernière.Je savais que j'avais de bonnes raisons de l'aimer.

— Bon, je ne pourrai pas en faire autant, tu t'en doutes, mais je voudrais faire quelquechose. Je ne sais pas encore quoi. 

— On s'occupe d'abord de notre inauguration et après on parlera philanthropie. Unrêve à la fois, Lily.Elle contourne le comptoir et attrape la corbeille, en sort le sac, le noue. Décidément, jeme demande pourquoi

 – si elle a du personnel pour tout ce qu'elle veut – elle a pris unemploi qui lui fait vider les poubelles et se salir les mains. 

— Pourquoi travailles-tu ici ?Elle me sourit.

 — Parce que je t'aime bien.Mais je vois bien que son sourire la quitte à l'instant où elle se retourne vers le fondpour aller jeter le sac. Quand elle revient, je l'observe encore avec curiosité. 

— Allysa ? Pourquoi travailles-tu ici ?Elle s'arrête, pousse un petit soupir comme si elle décidait de tout me raconter, etretourne vers le comptoir, s'y adosse, croise les chevilles. 

— Parce que je ne peux pas avoir d'enfant. Voilà deux ans qu'on essaie, rien n'amarché. J'en avais marre de rester pleurer à la maison, alors j'ai décidé de m'occuperl'esprit.Elle se redresse, s'essuie les mains sur son jean.

 — Et toi, Lily Bloom, tu sais très bien m'occuper.Là-dessus, elle se remet à perfectionner son bouquet, puis prend une carte qu'elle glisseparmi les fleurs et me tend le pot.— Au fait, c'est pour toi.

 — Comment ça ?

 — C'est écrit sur la carte, va la lire dans ton bureau.À sa réaction, je comprends que ça vient de Ryle. Je me précipite vers l'arrièreboutique, m'assieds et prends la carte.Lily,Je suis en grave état de manque.RyleJe range la carte dans son enveloppe en souriant, saisis mon téléphone et prends unselfie où je tire la langue devant les fleurs. Puis je l'envoie à Ryle.Moi : Je t'avais prévenu.Il me répond aussitôt. Et les messages se succèdent :Ryle : J'ai besoin de mon prochain shoot. Je termine ici dans environ une demi-heure. Je t'emmènedîner ensuite ?Moi : Peux pas. Maman veut essayer un nouveau restaurant avec moi ce soir. C'est une terrible finegueule. :(Ryle : J'aime bien la bonne bouffe moi aussi. Où l'emmènes-tu ?Moi : Ça s'appelle Bab's,surMarketson.Ryle :Tu aurais une place supplémentaire ?J'examine un instant la question. Il veut rencontrer ma mère ? On ne sort même pasofficiellement ensemble. Enfin... Ça m'est égal s'il la voit, au fond. Et puis elle l'aimeraitsûrement. Mais il est passé du refus de toute relation suivie à l'accord d'un essai contrôlé, àla rencontre des parents, tout ça en cinq jours ? Mon Dieu ! Je suis vraiment une drogue.Moi : D'accord. On se retrouve dans une demi-heure.Je sors de mon bureau et rejoins aussitôt Allysa, lui montre mon écran.— Il veut rencontrer ma mère.— Qui ?— Ryle.— Mon frère ? dit-elle, apparemment aussi choquée que moi.— Ton frère. Ma mère.Elle attrape le téléphone, lit les textos.— Hou là ! Trop bizarre ! Je reprends mon appareil.— Merci quand même pour le vote de confiance.— Tu sais ce que je veux dire ! s'esclaffe-t-elle. C'est de Ryle qu'on parle, ici. Jamais, detoute sa vie de Ryle Kincaid, il n'a rencontré les parents d'une fille.Bon, ce genre de remarque me ferait plutôt sourire ; mais après tout, s'il ne cherchequ'à me faire plaisir ? S'il se lance dans des trucs auxquels il ne tient pas vraiment, c'est sansdoute parce qu'il sait que je vise une relation suivie.Alors mon sourire s'agrandit parce que c'est bien de ça qu'il s'agit. Se sacrifier pour lapersonne à laquelle on tient afin de lui faire plaisir.— Ton frère doit vraiment bien m'aimer, dis-je sur le ton de la plaisanterie.Je m'attends à la voir rire, mais elle reste de marbre.— Oui, c'est bien ce que je crains, répond-elle en prenant son sac sous le comptoir.Bon, je m'en vais, maintenant. Tu me raconteras ?Là-dessus, elle passe devant moi et se dirige vers la porte. Je la suis des yeux unmoment alors qu'elle s'éloigne dans la rue.Apparemment, elle n'a pas l'air très emballée que je sorte avec Ryle. Du coup, je medemande si c'est plutôt dû à ses sentiments envers moi ou envers lui.** *Vingt minutes plus tard, je tourne l'enseigne sur fermé. Plus que quelques jours. Je bouclela porte et me dirige vers ma voiture, mais m'arrête net en apercevant une silhouetteadossée contre. Il me faut un certain temps pour le reconnaître car il regarde dans l'autredirection, son téléphone collé à l'oreille.Je croyais qu'on se retrouvait au restaurant. Enfin, bon.Mon klaxon retentit quand je bipe l'ouverture des portières et Ryle sursaute. Il mesourit en m'apercevant.— Oui, d'accord, dit-il à son interlocuteur.En même temps, il me passe un bras sur l'épaule et me serre contre lui, me dépose unbaiser sur la tête.— On en reparle demain, continue-t-il. Il vient de m'arriver quelque chose de trèsimportant.Il raccroche, glisse l'appareil dans sa poche, puis m'embrasse. Pas d'un petit bisou,plutôt d'un baiser genre je-n'ai-pas-cessé-de-penser-à-toi. Il m'entoure de ses bras, meplaque contre la voiture et continue de m'embrasser jusqu'à ce que je sois prise de vertige.Quand il se redresse, il me dévisage d'un air ravi.— Tu sais ce qui me rend fou chez toi ? dit-il en traçant mes lèvres de l'index. Ça. Tabouche. Grâce à tes cheveux roux, tu n'as pas besoin de rouge à lèvres.— Alors là, je vais te surveiller quand tu verras ma mère parce que tout le monde ditqu'on a la même bouche.L'air soudain sérieux, il me fait taire d'un doigt.— Lily. Écoute... Non.— Quoi ? dis-je en ouvrant ma portière. On prend deux voitures ?— Non, je suis venu du travail avec un Uber. On y va ensemble.** *Quand on arrive, ma mère est déjà assise à table, tournant le dos à l'entrée.Je suis très impressionnée par ce restaurant aux murs d'une couleur douce et neutre,avec un arbre apparemment entier au beau milieu de la salle. On dirait que l'établissementa été construit autour. Ryle me suit de près, la main posée au creux de mes reins. Une foisarrivée, j'ouvre ma parka.— Bonjour, maman.Elle lève la tête de son téléphone.— Oh, bonjour, ma chérie !Elle range l'appareil dans son sac, l'air ravi.— J'adore déjà cet endroit. Regarde-moi cet éclairage. Ces installations pourraientdécorer n'importe quel jardin.C'est là qu'elle aperçoit Ryle qui attend patiemment à côté de moi, alors que je meglisse dans le box. Ma mère lui sourit.— Nous commencerons par deux bouteilles d'eau, s'il vous plaît.— Maman, il est avec moi. Ce n'est pas le serveur.Elle lui jette un regard gêné mais, déjà, il lui tend la main en souriant.— Ce n'est rien, Madame. Ryle Kincaid.Elle lui serre la main, nous dévisage l'un et l'autre.Il la lâche, s'assied à côté de moi.— Jenny Bloom. Enchantée. Un de tes amis, Lily ?Je n'arrive pas à croire que j'étais si mal préparée à cet instant. Comment le luiprésenter ? Mon coup d'essai ? Je ne peux pas dire petit ami, car on n'est même pas amis.Mon promis ferait un peu vieux jeu.Ryle remarque mon hésitation, alors il me pose une main sur le genou, le serre.— Ma sœur travaille pour Lily, annonce-t-il. Vous la connaissez, peut-être, Allysa ?Maman se penche un peu vers lui.— Ah oui ! Bien sûr ! Vous vous ressemblez tant que j'aurais dû m'en douter. Vous avezles mêmes yeux, et la même bouche.— Nous tenons tous les deux de notre mère.Elle me sourit.— Les gens disent aussi que Lily tient de moi.— Tout à fait, renchérit-il. Même bouche. C'est incroyable.Il me serre encore le genou alors que je réprime un rire.— Mesdames, si vous voulez bien m'excuser, il faut que j'aille aux toilettes.Avant de se lever, il m'embrasse sur la tempe.— Si le serveur arrive, ajoute-t-il, je prendrai juste de l'eau.Maman le suit des yeux avant de se tourner vers moi.— Comment se fait-il que tu ne m'aies jamais parlé de ce garçon ?Euh... c'est que... ce n'est pas vraiment...Je ne vois pas comment lui expliquer la situation.— Il travaille beaucoup, alors on ne se voit pas souvent.En fait, c'est la première fois qu'on va dîner ensemble.Elle hausse un sourcil.— Vraiment ? Il ne semble pas du tout voir les choses comme ça. Je veux dire qu'il al'air de bien t'aimer. Ce n'est pas un comportement normal pour quelqu'un qu'on vient derencontrer.— On ne vient pas de se rencontrer. Ça remonte à presque un an, maintenant. On s'estvu souvent. Mais on ne sortait pas ensemble. Il travaille beaucoup.— Où ça ?— À l'hôpital général du Massachusetts.Elle se penche encore en avant, les yeux écarquillés.— Lily ! Il est médecin ?— En fait, neurochirurgien.— Ces dames voudront-elles boire quelque chose ? demande un serveur.— Oui, dis-je. Nous allons prendre trois... Et là, je ferme la bouche.La gorge sèche, je dévisage l'homme debout près de nous. Je n'arrive plus à émettre unson.— Lily ? dit maman. Il attend ta commande.Je secoue la tête et parviens enfin à balbutier :— Je... euh...— Trois bouteilles d'eau, intervient-elle.Le serveur sort de sa transe le temps d'inscrire la commande sur son carnet.— Trois bouteilles d'eau, répète-t-il. Entendu.Il s'éloigne, mais je le vois jeter un regard vers nous avant de pousser les portes de lacuisine.— Que se passe-t-il ? demande maman.— Le serveur. Il ressemblait tellement à...Je m'apprêtais à dire Atlas Corrigan quand Ryle revient se glisser sur la banquette.— J'ai raté quelque chose ? demande-t-il.Je déglutis en faisant non de la tête. Ce ne devait pas être Atlas. Pourtant, ces yeux...cette bouche. Je sais que je ne l'ai pas vu depuis des années, mais je n'oublierai jamais sonapparence. Ce ne pouvait être que lui. Je le sais, d'ailleurs il m'a reconnue lui aussi, car àl'instant où nos regards se sont croisés, on aurait dit qu'il voyait un fantôme.— Lily ? dit Ryle en me serrant la main. Ça va ?Je m'efforce de sourire, puis m'éclaircis la gorge.— Oui. On parlait de toi. Maman, Ryle a participé à une opération qui a duré dix-huitheures, cette semaine.Elle se penche vers lui, l'air intéressé, et il se met à lui expliquer en quoi consistait cetteopération. Notre serveur arrive, mais ce n'est plus le même. Il demande si nous avons faitnotre choix, nous présente les spécialités du chef. On commande alors chacun un plat et jefais mon possible pour me concentrer sur le sujet, mais je ne peux m'empêcher de parcourirla salle des yeux, à la recherche d'Atlas. Il faut que je me ressaisisse.— Je vais aux toilettes, dis-je à Ryle.Il se lève pour me laisser passer et, en marchant, j'examine le visage de chacun desserveurs. Dès que je me retrouve seule dans le couloir, je m'adosse au mur, me plie en deuxpour mieux respirer. Il faut absolument que je me calme. Les mains sur le front, je ferme lesyeux.Voilà neuf ans que je me demandais ce qui lui était arrivé. Neuf ans.— Lily ?Je relève la tête, tâche de respirer. Il se tient au bout du couloir, tel un fantôme surgide mon passé. Je vérifie que ses pieds touchent bien le sol. Non, il ne flotte pas dans les airs.Il est bien vivant et il est là, juste en face de moi.— Atlas ?À peine ai-je prononcé son nom qu'il pousse un énorme soupir de soulagement et arriveà grands pas. J'en fais autant dans sa direction. On se jette dans les bras l'un de l'autre.— Putain de merde ! s'exclame-t-il en m'étreignant.— Comme tu dis, putain de merde !Posant les mains sur mes épaules, il m'examine un instant.— Tu n'as pas changé du tout.Toujours sous le choc, je me couvre la bouche d'une main et l'observe à mon tour. Sonvisage me paraît le même, mais il n'a plus rien de l'ado maigrichon que je connaissais.— Je ne peux pas en dire autant pour toi.— Ouais, répond-il en riant. Huit années de vie militaire, ça vous change un homme.Et on reste là, sans pouvoir en dire davantage.Finalement, il me lâche, croise les bras.— Qu'est-ce qui t'amène à Boston ? demande-t-il.Il a lâché ça si tranquillement que je lui en serais presque reconnaissante. Il ne doit passe rappeler notre conversation d'il y a quelques années sur Boston, et ça vaut mieux pourmoi.— Je vis ici, dis-je d'un ton aussi décontracté que possible. Je tiens une boutique defleurs sur Park Plaza.Il a l'air de connaître, pas étonné le moins du monde. Je regarde la porte en me disantque je ferais mieux d'y aller et il s'en aperçoit, recule. Il soutient encore mon regard uninstant, et puis tout revient à la normale. Trop normal. Alors qu'on a tant de choses à sedire, sans savoir par où commencer.— Tu devrais sans doute aller retrouver tes amis, suggère-t-il. Je passerai te voir un deces jours. Tu as bien dit Park Plaza ?Je hoche la tête.Il hoche la tête.La porte s'ouvre sur une femme qui porte un enfant dans ses bras. Elle passe au milieu,ce qui met encore plus de distance entre nous. Je me dirige vers la salle, sans me décider à yrentrer.— Ça m'a vraiment fait plaisir de te revoir, Atlas. Il sourit un peu, mais son regard restesérieux.— Oui. À moi aussi, Lily.** *Je ne dis pas grand-chose jusqu'à la fin du repas ; encore que ni Ryle ni maman nesemblent s'en apercevoir, car elle n'a aucun mal à le bombarder de questions. Et il sedébrouille comme un chef. Il lui fait un charme d'enfer.Cette rencontre inattendue avec Atlas m'a bouleversée mais, dès le dessert, Ryle a sume rendre ma belle humeur.Maman s'essuie la bouche avec sa serviette avant de laisser tomber :— Mon nouveau restaurant préféré. Incroyable !— Je suis d'accord, dit Ryle. Il va falloir que j'y amène Allysa. Elle adore essayer denouveaux restaurants.La cuisine y est en effet excellente, mais je préférerais ne jamais remettre les pieds ici.— Ça allait, dis-je.Bien entendu, il paie l'addition puis insiste pour qu'on raccompagne maman à savoiture. Je sais qu'elle va m'appeler pour me parler de lui cette nuit, ça se voit rien qu'à sonexpression ravie.Après son départ, Ryle me ramène à ma voiture.— J'ai commandé un Uber, comme ça, tu n'auras pas besoin de faire un détour pourme déposer chez moi. Il nous reste à peu près une minute et demie pour nous faire desbisous.Je ris et il m'enveloppe de ses bras, m'embrasse dans le cou puis sur la joue.— Je m'inviterais bien, dit-t-il, mais j'ai une opération très tôt demain matin et je suissûr que mon patient préférerait que je ne passe pas la moitié de ma nuit en toi.Je l'embrasse à mon tour, à la fois déçue et soulagée.— Moi, j'ai mon inauguration dans quelques jours.Je ferais mieux de dormir aussi.— C'est quand, ton prochain jour de congé ?— Jamais. Et toi ?— Jamais.— On est maudits. Trop attirés l'un par l'autre et en même temps trop occupés àréussir notre vie.— Ça veut dire que notre phase lune de miel va durer jusqu'à nos quatre-vingts ans. Enattendant, je viendrai à ton inauguration, vendredi, et on ira ensuite fêter ça tous les quatreensemble.Comme une voiture s'arrête devant moi, il me passe la main dans les cheveux,m'embrasse.— Au fait, ta maman est géniale. Merci de m'avoir laissé assister à ce dîner.Il grimpe dans la voiture et je la regarde s'éloigner.Il me plaît trop, ce type.Souriante, je regagne ma voiture mais porte une main à ma gorge en le voyant là.Atlas, debout près du capot.— Pardon, je ne voulais pas te faire peur.— Raté, dis-je en soupirant.On se trouve à quelques pas l'un de l'autre. Il examine la rue.— Alors ? demande-t-il. C'est qui, l'heureux veinard ?— C'est...Ma voix s'altère. Cette situation est trop bizarre. J'ai la gorge nouée et je ne sais pas sic'est à cause du baiser de Ryle ou de la présence d'Atlas.— Il s'appelle Ryle. On s'est rencontrés il y a à peu près un an.Je regrette aussitôt d'avoir dit ça. Il pourrait en conclure que je sors avec Ryle depuislongtemps alors que rien n'est pour ainsi dire commencé entre nous. Je me hâte d'ajouter :— Et toi ? Tu es marié ? Tu as une fiancée ?Je ne sais pas trop si je pose ces questions pour poursuivre la conversation qu'il aentamée ou par pure curiosité.— Oui, elle s'appelle Cassie. On est ensemble depuis à peu près un an, maintenant.Je ressens comme une brûlure d'estomac. Un an ?— Tant mieux, tu as l'air très heureux.En a-t-il seulement l'air ? Aucune idée.— Bon. Alors... Je suis très content de t'avoir vue, Lily.Il tourne les talons mais, avant de s'éloigner, il me fait de nouveau face, les mains dansles poches.— Je dois dire... J'aurais préféré que ceci se passe il y a un an.Ces mots me font frémir, j'essaie de ne pas les laisser pénétrer en moi. Cette fois, ilretourne vers le restaurant.Je cherche mes clefs, ouvre la voiture, me glisse à l'intérieur, claque la portière, agrippele volant. Sans trop savoir pourquoi, je sens une grosse larme couler sur ma joue.Lamentable. Je l'essuie puis démarre.Je n'aurais pas cru me sentir si bouleversée de le voir.Mais bon. Quelque part, c'était nécessaire. Mon cœur avait besoin de cette dernièreconversation, afin que je puisse enfin pleinement me consacrer à Ryle.C'est bien.Oui, je sais, je pleure.En même temps, je me sens mieux. C'est juste un effet de ma nature humaine,lorsqu'une ancienne blessure se ferme pour préparer une nouvelle expérience.C'est tout.

Comment